dimanche 22 mai 2016

L’agriculture mahoraise : "la forêt comestible"


L’agriculture mahoraise, la "forêt comestible", se développe selon le modèle de l'agroforêt, système forestier de polyculture multiétages dont les associations végétales et animales sont le fruit d'une gestion par les populations locales.

Comme la forêt tropicale naturelle, les systèmes agroforestiers ou "jardins-forêt" associent différentes strates de végétation tels de les grands arbres (fruitiers ou à coques), les arbustes ou arbrisseaux (petits fruitiers), les buissons (à baies ou aromatiques) et les plantes herbacées (légumes vivaces, plantes aromatiques, médicinales et utiles) :
  • Sous les grands arbres qui forment la canopée, cocotiers, manguiers, arbre à pain et jaquiers, se logent les arbres nains et arbustes, bananiers, citronniers, goyaviers et combawas entourés des buissons, caféiers, piments, citronnelles, curcumas.
  • Le sol est couvert par les plantes herbacées, ananas, manioc, canne à sucre, patate douce et igname, parmi lesquelles se distinguent celles qui rampent et celles dont la partie consommée est souterraine.
  • Enfin une strate verticale est représentée par les plantes grimpantes, poivre, barbadine et cardiospermum halicacabum : contre les deuils et chagrins d’amour et la fièvre.

"Le jardin-forêt tropical nourricier présente les mêmes étagements que la forêt vierge où des espèces de hauteurs variées coexistent et partagent la lumière et les nutriments."


Dans la compétition pour la lumière et les éléments minéraux, le rendement de chaque plante prise isolément est inférieur à ce qu’il serait dans un champ ou un verger conventionnel, mais la productivité de l’ensemble est très nettement supérieure pour une surface donnée.
La diversité des systèmes racinaires minimise la compétition dans un volume donné de sol. Les plantes les plus hautes réduisent les besoins en eau des plus basses en créant un microclimat humide sous leurs branches. Le couvert végétal permanent protège le sol contre le ravinement.

Dans son principe, le jardin-forêt, hâtivement jugée archaïque, fait preuve d’une réelle sophistication et cumule les atouts : forte biodiversité, protection du sol et recyclage des nutriments, maintien d’un microclimat favorable à la vie végétale et animale, maintenance des propriétés physiques et chimiques du sol, utilisation optimisée de la lumière et de l’eau, diversification et répartition des productions dans le temps, forte biomasse qui en fait un important puits de carbone.
Si l’on ajoute le moindre apport de travail humain, l’inutilité des équipements mécaniques, l’absence d’intrants, le contrôle de la plupart des attaques parasitaires, la résilience, la lutte contre l’érosion, la protection de l’environnement et une relative autonomie alimentaire locale, on a le tableau de l’excellence écologique.

Ce tableau idyllique ne doit pas masquer les défis auxquels est confrontée l’agroforesterie traditionnelle mahoraise. Dans un contexte de pression démographique intense, de crise migratoire et transformation des droits fonciers, les modes de gestion des terres se modifient. Les périodes de jachère sont réduites et des sols aux pentes de plus en plus fortes sont mis en culture. Ces évolutions entraînent une intensification du défrichement des forêts et une accélération de l’érosion des sols, ayant pour conséquence la création de padza (zones déforestées et stériles), la réduction de la fertilité des sols et du rendement des cultures, la dégradation du bilan hydrique, l'appauvrissement des écosystèmes végétaux et l’augmentation des sédiments dans les mangroves et dans le lagon.
Avec la fin des pratiques agricoles sur brûlis et des jachères décennales (défrichage et brûlis), l’optimisation des pratiques agricoles à l’aide de méthodes agroécologiques est un enjeu majeur pour l’île.

Liens externes


A. Madi, R. Cattet , C. Brocherieux, J. Baret, "Agroforesterie et culture biologique des épices à Mayotte", Alter Agri N° 19, 1996, p. 16-17 : http://abiodoc.docressources.fr/opac/doc_num.php?explnum_id=2483

Sylvain Deffontaines, office de développement de l'économie agricole d'outre-mer (ODEADOM), "Rapport public de mission à Mayotte" : http://www.odeadom.fr/wp-
content/uploads/2013/12/3_Rapport_public_de_mission_a_Mayotte_Comp.pdf

Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt , Agreste, La statistique, l'évaluation et la prospective agricole "Mayotte : un territoire agricole en mutation Mayotte : un territoire agricole en mutation" : http://agreste.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf_D97611A01.pdf

Le Pays de Cocagne, Bruegel l'Ancien : http://www.wikiwand.com/fr/Pays_de_Cocagne

Documents pour le développement durable de l'Afrique à l'usage des ONG :

Le pays de Cocagne


Le jardin-forêt mahorais, la "forêt comestible", trouve un écho profond dans l'imaginaire culturel métropolitain, sous forme du pays de Cocagne, "une sorte de paradis terrestre, une contrée miraculeuse dont la nature déborde de générosité pour ses habitants et ses hôtes".
Bien sûr, le pays de Cocagne est un don de la nature, la "forêt comestible" mahoraise est l'oeuvre de ses habitants.

Le Pays de Cocagne, Bruegel l'Ancien, 1567,  52 × 78 cm, Alte Pinakothek, Munich, Allemagne.

samedi 21 mai 2016

Kwasa kwasa


Une contribution d'Amélie Barbey, éthnologue, IDEMEC (Institut d’ethnologie européenne, méditerranéenne et comparative) à la revue "Hommes & Migrations" sur les migrations en cours dans l'océan indien :

"Aujourd’hui, les flux migratoires de l’archipel des Comores vers les pays de la zone Océan indien tendent à se tarir. Seule Mayotte fait exception à la règle en raison de la faible distance spatiale qui la sépare de ses îles sœurs. (...) C’est la France, ou plus largement l’Europe, qui est généralement visée par les migrants. En effet, beaucoup partent afin de pouvoir remplir de coûteuses obligations qui leur sont imposées par la tradition, notamment en Grande Comore. Les séjours en Afrique de l’Est, à Madagascar ou dans les îles françaises de l’Océan indien ne leur permettent que difficilement d’amasser les sommes requises. D’autre part, la présence d’environ 200 000 de leurs compatriotes dans les grandes villes françaises assure aux nouveaux venus la possibilité d’un accueil et d’une aide à l’insertion. Les réseaux familiaux et villageois peuvent ainsi être sollicités dans les recherches d’un logement, d’un emploi, d’un conjoint… " Amélie Barbey, (2013).

Les contraintes sociales et culturelles de leurs terres d'origine, la possibilité de pratiquer une agriculture vivrière en étant employé par des patrons Mahorais, un accès même restreint au système public de santé, la scolarisation des enfants, la perspective de maigres salaires (150,00€ mensuels).
Ce sont là les motivations de migrants qui affrontent en kwasa kwasa les risques de l'océan et à présent un crise d'expulsions sans précédent.

En explicit, une conclusion lapidaire et un rien apocalyptique d'Hérodote (revue trimestrielle de géopolitique et de géographie fondée par Yves Lacoste) qui a le mérite d’être percutante si ce n'est nuancée :

"L'avenir s'avère d'autant plus sombre que les Mahorais de souche tendent à abandonner leur île aux immigrants illégaux. Ils usent de leur citoyenneté pour aller chercher une vie plus sereine à la Réunion ou en métropole (Marseille abrite plus de Comoriens que Mayotte).

Par une aberration singulière, les immigrants illégaux et leurs enfants, qui ne peuvent sortir de l'île légalement, pourraient bientôt devenir les seuls habitants permanents de l'île, aux côtés des policiers et administrateurs métropolitains." Hérodote, (2016).

Liens externes


Amélie Barbey, "Les migrations comoriennes dans l’ouest de l’Océan indien", Hommes et migrations, 1279 | 2009, p.154-164 : https://hommesmigrations.revues.org/344

Duflo Marie, Ghaem Marjane, "Mayotte, une zone de non-droit", Plein droit 1/2014 (n° 100), p.31-34 : https://www.cairn.info/revue-plein-droit-2014-1-page-31.htm

Carayol Rémi, "Les enfants passeurs de Mayotte", Plein droit 1/2010 (n° 84), p.30-32 : www.cairn.info/revue-plein-droit-2010-1-page-30.htm

Math Antoine, "Mayotte, terre d’émigration massive", Plein droit 1/2013 (n° 96), p.31-34 : https://www.cairn.info/revue-plein-droit-2013-1-page-31.htm

Hérodote, 25 avril 1841, "Mayotte, française par accident" : https://www.herodote.net/25_avril_1841-evenement-18410425.php

Wikipédia : kwasa kwasa

jeudi 19 mai 2016

Design & High Tech : le chombo


Le chombo, prononcé "tchombo", est l'outil par excellence des Mahorais. Servant principalement aux travaux agricoles, il est utilisé par tous et présent partout.

Sa lame lourde à double tranchant en acier forgé, son extrémité arrondie permettant de travailler les sols et son manche en bois de palétuvier en font un outil parfaitement équilibré adapté à la permaculture en milieu tropical.

À la différence des machettes destinées au prélèvement ou à la prédation, le chombo est un outil sophistiqué conçu pour façonner les multiples strates et associations végétales qui caractérisent les méthodes traditionnelles d'agriculture mahoraises.

Un outil unique, ergonomique, parfaitement adapté à ses usages, basé sur la culture et le savoir-faire local, ne nécessitant pas de composants importés, permettant de prendre soin des sols escarpés et fragiles et d'en exploiter les ressources avec une remarquable économie de moyens.

Le design du chombo relève de l’excellence technologique et écologique.




mercredi 18 mai 2016

Une pharmacopée à Mayotte



Les Études Océan Indien


Un article scientifique des Études Océan Indien, "Langues, savoirs et pouvoirs dans l’océan Indien occidental", sur les savoirs médicaux traditionnels ; "Recueil d’une pharmacopée à Mayotte, le savoir sur les plantes médicinales de Maoulida Mchangama"
Article établi par le service environnement de la Direction de l’Agriculture et de la Forêt (DAF) de Mayotte, de 2008 à 2010, à la demande de Maoulida Mchangama .

L’ethnobotaniste, Pascale Salaün qui a recueilli ces savoirs précise dans son article les motivations de Maoulida Mchangama :
"La démarche de Maoulida Mchangama de partager ses connaissances avec le public et les scientifiques répond à un double souci : celui de transmettre ce qu’il a reçu des parents et de leur rendre hommage, celui aussi d’être reconnu par ses enfants à la mesure de son savoir, qui n’est pas scolaire, mais qui a toute sa valeur.
On sent que Maoulida a souffert, comme toute sa génération, du rejet récent de la part de la jeunesse de tous les savoirs locaux qui semblent ne plus avoir de pertinence dans la vie moderne.
Alors, ce qu’il ne peut plus léguer à un de ses enfants, il a décidé de le léguer à tous, en espérant susciter l’intérêt de certains et de créer une autre filiation sous forme d’un lien intellectuel : ("Mwana tsi mpaka de wao wamdza, un enfant, ce n’est pas que pour ceux qui l’ont mis au monde")."
Il rappelle aussi plusieurs fois que "les mots ne finissent pas tant qu’on a encore un souffle de vie" (kalima kaikomo pindri roho kayalawa) et cette expression, dont le sens est qu’il faut lutter, lui sert à justifier sa démarche." (Pascale Salaün, 2012).

Maoulida Mchangama et Pascale Salaün, "Recueil d’une pharmacopée à Mayotte", Études océan Indien, 48 | 2012, mis en ligne le 30 septembre 2015 : https://oceanindien.revues.org/1770

http://www.cariboudagoni.fr/Plantes de Mayotte: http://www.cariboudagoni.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=189&Itemid=186

lundi 16 mai 2016

Le Banga




Wikipedia

"Un banga est une petite maison aux murs peints et aux inscriptions colorées à l'orée des villages mahorais.

Construire un banga est un rite de passage. À la puberté, les garçons quittent leurs parents et se bâtissent une case en terre avec des matériaux fournis par la famille. Après avoir été maçon, le jeune se fait peintre pour orner sa nouvelle case. Il cherche à surprendre et attirer une âme sœur dans une cabane enchantée."


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Liens externes


Mayotte à colorier, aux éditions du Baobab: http://www.editionsdubaobab.com, http://editionsdubaobab.over-blog.com

Le Maki de Mayotte


Le Maki de Mayotte, appelé aussi Ancoumba en kiboushi ou Comba en shimaoré, est un primate lémuriforme vivant en groupe composé de quatre à dix individus. Actif de nuit comme de jour, il se nourrit de fruits, de feuilles et de fleurs.

Animal social, le Maki communique par des cris différenciés, enterre ses morts (ou tout au moins les recouvre de terre ou de feuilles)  et ne présente aucune agressivité naturelle.

Le Maki passe la majorité de son temps dans les arbres et ne descend que pour boire de l'eau ou pour chercher un morceau de fruit tombé à terre. Pendant la saison sèche, le manque de fruits le pousse à entrer dans les habitations pour chercher de la nourriture et il ne craint pas de passer sur les fils électriques pour s'approcher.

Sous la pression de l’homme sur leur habitat naturel, les lémuriens quittent peu à peu les zones forestières pour occuper les champs où ils peuvent trouver facilement de la nourriture rentant directement en concurrence avec les agriculteurs. Bien que protégés par la convention de Washington et par l’arrêté préfectoral n° 347 du 7 août 2000, fixant la liste des espèces protégées à Mayotte, le Maki est en voie de disparition. En un peu moins de 30 ans, la population a perdu plus de la moitié de ses effectifs.


Les tortues



Le lagon de Mayotte est fréquenté tout au long de l'année par deux espèces de tortues marines :

  • La tortue verte (Chelonia mydas), herbivore, se nourrit d'algues et d'herbes marines qui poussent sur le platier.
  • La tortue à écailles ou imbriquée (Eretmochelys imbricata), omnivore, se nourrit de crabes, d'étoiles de mer, d'éponges, de corail, de méduses ou d'algues...

Elles sont faciles à distinguer: la tortue verte est la plus grande (150 cm pour les plus imposantes) et plus lourde (250 kg), avec un bec rond, tandis que la tortue imbriquée, plus petite (environ 1 m pour 130 kg) a un bec crochu.

L’observation la moins perturbatrice pour la tortue s’effectue de dos à une distance d’au moins 4 mètres (cette distance varie selon les individus observés). L’approche doit s’effectuer très lentement avec des mouvements très souples et des attitudes passives, il faut se faire remarquer par la tortue, sans la surprendre, il ne faut en aucun cas attenter des actions directes sur l’animal. La tortue peut ainsi s’habituer tranquillement à la présence de l’observateur et supporter cette présence pendant plusieurs heures. Après quelques minutes, la tortue se méfie de moins en moins et adopte un comportement quasi naturel. L’attention de la tortue sur l’observateur se refocalise lors de la reprise d’air, il est alors judicieux de se reculer un peu pour lui permettre de respirer.




Liens externes


Association Oulanga na Nyamba : https://oulangananyamba.com/
DDAF (Direction départementale de l’agriculture et de la forêt) : Les tortues marines de Mayotte

dimanche 15 mai 2016

"Décaser"

Chasse aux étrangers à Mayotte : mais que fait l'Etat ?
Une case en tôle détruite dans la ville de Koungou (ORNELLA LAMBERTI / AFP)

En décembre 2015, dans une commune au sud de Mayotte, un collectif d'habitants envoie un courrier à la mairie et à la gendarmerie demandant que toutes les personnes en situation irrégulière vivant dans la commune soient expulsées avant le 10 janvier 2016. Faute de quoi les habitants agiront par eux-mêmes.

Ce 10 janvier 2016, des groupes de manifestants parcourent le village, entrent dans les bangas, les petites habitations en tôles ondulées construites par les migrants d'origine comorienne ou malgache, et les saccagent, quelle que soit la situation administrative réelle de leurs habitants.

Le scénario se reproduit depuis à l'identique en différents points de l’île. Constitution de collectifs d'habitants, affichages dans les rues de tracts appelant à l'expulsion des migrants, courriers aux propriétaires exigeant l'éviction immédiate de locataires, manifestations, menaces, intimidations, logements détruits, enfants déscolarisés, familles à la rue, mise au ban du village des personnes qui s'opposent à ces violences.

Liens externes

Le Monde : http://www.lemonde.fr/afrique/article/2016/05/18/a-mayotte-la-situation-est-extremement-preoccupante-juge-francois-hollande_4921615_3212.html

Libération : http://www.liberation.fr/france/2016/05/18/a-mayotte-la-chasse-aux-etrangers-se-poursuit_1453410

L'Express : http://www.lexpress.fr/actualites/1/styles/mayotte-plus-d-un-millier-d-etrangers-chasses-de-chez-eux-par-des-collectifs-de-mahorais_1793162.html

La Cimade : http://www.lacimade.org/mayotte-la-chasse-aux-etrangers-par-la-population-est-ouverte-et-couverte/