L’agriculture mahoraise, la "forêt comestible", se développe selon le modèle de l'agroforêt, système forestier de polyculture multiétages dont les associations végétales et animales sont le fruit d'une gestion par les populations locales.
Comme la forêt tropicale naturelle, les systèmes agroforestiers ou "jardins-forêt" associent différentes strates de végétation tels de les grands arbres (fruitiers ou à coques), les arbustes ou arbrisseaux (petits fruitiers), les buissons (à baies ou aromatiques) et les plantes herbacées (légumes vivaces, plantes aromatiques, médicinales et utiles) :
- Sous les grands arbres qui forment la canopée, cocotiers, manguiers, arbre à pain et jaquiers, se logent les arbres nains et arbustes, bananiers, citronniers, goyaviers et combawas entourés des buissons, caféiers, piments, citronnelles, curcumas.
- Le sol est couvert par les plantes herbacées, ananas, manioc, canne à sucre, patate douce et igname, parmi lesquelles se distinguent celles qui rampent et celles dont la partie consommée est souterraine.
- Enfin une strate verticale est représentée par les plantes grimpantes, poivre, barbadine et cardiospermum halicacabum : contre les deuils et chagrins d’amour et la fièvre.
"Le jardin-forêt tropical nourricier présente les mêmes étagements que la forêt vierge où des espèces de hauteurs variées coexistent et partagent la lumière et les nutriments." |
Dans la compétition pour la lumière et les éléments minéraux, le rendement de chaque plante prise isolément est inférieur à ce qu’il serait dans un champ ou un verger conventionnel, mais la productivité de l’ensemble est très nettement supérieure pour une surface donnée.
La diversité des systèmes racinaires minimise la compétition dans un volume donné de sol. Les plantes les plus hautes réduisent les besoins en eau des plus basses en créant un microclimat humide sous leurs branches. Le couvert végétal permanent protège le sol contre le ravinement.
Dans son principe, le jardin-forêt, hâtivement jugée archaïque, fait preuve d’une réelle sophistication et cumule les atouts : forte biodiversité, protection du sol et recyclage des nutriments, maintien d’un microclimat favorable à la vie végétale et animale, maintenance des propriétés physiques et chimiques du sol, utilisation optimisée de la lumière et de l’eau, diversification et répartition des productions dans le temps, forte biomasse qui en fait un important puits de carbone.
Si l’on ajoute le moindre apport de travail humain, l’inutilité des équipements mécaniques, l’absence d’intrants, le contrôle de la plupart des attaques parasitaires, la résilience, la lutte contre l’érosion, la protection de l’environnement et une relative autonomie alimentaire locale, on a le tableau de l’excellence écologique.
Ce tableau idyllique ne doit pas masquer les défis auxquels est confrontée l’agroforesterie traditionnelle mahoraise. Dans un contexte de pression démographique intense, de crise migratoire et transformation des droits fonciers, les modes de gestion des terres se modifient. Les périodes de jachère sont réduites et des sols aux pentes de plus en plus fortes sont mis en culture. Ces évolutions entraînent une intensification du défrichement des forêts et une accélération de l’érosion des sols, ayant pour conséquence la création de padza (zones déforestées et stériles), la réduction de la fertilité des sols et du rendement des cultures, la dégradation du bilan hydrique, l'appauvrissement des écosystèmes végétaux et l’augmentation des sédiments dans les mangroves et dans le lagon.
Avec la fin des pratiques agricoles sur brûlis et des jachères décennales (défrichage et brûlis), l’optimisation des pratiques agricoles à l’aide de méthodes agroécologiques est un enjeu majeur pour l’île.
Liens externes
A. Madi, R. Cattet , C. Brocherieux, J. Baret, "Agroforesterie et culture biologique des épices à Mayotte", Alter Agri N° 19, 1996, p. 16-17 : http://abiodoc.docressources.fr/opac/doc_num.php?explnum_id=2483
Sylvain Deffontaines, office de développement de l'économie agricole d'outre-mer (ODEADOM), "Rapport public de mission à Mayotte" : http://www.odeadom.fr/wp-
content/uploads/2013/12/3_Rapport_public_de_mission_a_Mayotte_Comp.pdf
Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt , Agreste, La statistique, l'évaluation et la prospective agricole "Mayotte : un territoire agricole en mutation Mayotte : un territoire agricole en mutation" : http://agreste.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf_D97611A01.pdf
Le Pays de Cocagne, Bruegel l'Ancien : http://www.wikiwand.com/fr/Pays_de_Cocagne
Documents pour le développement durable de l'Afrique à l'usage des ONG :
- http://doc-developpement-durable.org
- http://doc-developpement-durable.org/documents-agronomiques/jardins-forets_climats-tropicaux-humides.pdf
Le pays de Cocagne
Le jardin-forêt mahorais, la "forêt comestible", trouve un écho profond dans l'imaginaire culturel métropolitain, sous forme du pays de Cocagne, "une sorte de paradis terrestre, une contrée miraculeuse dont la nature déborde de générosité pour ses habitants et ses hôtes".
Bien sûr, le pays de Cocagne est un don de la nature, la "forêt comestible" mahoraise est l'oeuvre de ses habitants.
Le Pays de Cocagne, Bruegel l'Ancien, 1567, 52 × 78 cm, Alte Pinakothek, Munich, Allemagne. |
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